Je suis une légende - Richard Matheson

Publié le par Aloysius

matheson je suis une legende folio53Résumé :

 

En 1975, Robert Neville, seul survivant du virus qui a décimé l'Humanité, lutte pour sa propre survie, mais aussi pour la survie de l'espèce humaine dont il est désormais l'unique représentant. Seul dans un Los Angeles apocalyptique, il doit faire face à une nouvelle race : des hommes qui contaminés par le virus incurable sont attirés par l'odeur de son sang et fuient les rayons du soleil...
« Chaque nuit, les vampires le traquent jusqu'aux portes de sa demeure, frêle refuge contre une horde aux visages familiers de ses anciens voisins ou de sa propre femme.
Chaque nuit est un cauchemar pour le dernier homme, l'ultime survivant d'une espèce désormais légendaire. »

 

Interprétation de l'œuvre :

 

En 1954, lorsqu'est publié le roman de Richard Matheson, la seconde guerre mondiale n'est plus qu'un mauvais rêve pour le peuple américain depuis le 2 septembre 1945 ; cependant 1945 marque aussi le début de la guerre froide, et donc de l'affrontement entre les deux puissances mondiales de l'époque : l'URSS et les Etats-Unis. Chacun tente de surpasser l'autre dans l'invention d'armes destructrices suite au bombardement d'Hiroshima, jusqu'à parvenir à un équilibre de la terreur : une bombe capable de détruire à elle seule la moitié de la Terre. On peut donc supposer que ce sont les événements traumatisants de 39-45 et cette crainte due à l'équilibre précaire du monde qui inspirent à Matheson « I am legend », roman de science-fiction nous plongeant dans un décor post-apocalyptique.
Il s'agit donc d'un roman condamnant les mœurs de ce XXème siècle ainsi que la bestialité de l'être humain en projetant une image pessimiste de l'avenir de l'Humanité. Ainsi, les vampires pourraient être interprétés comme un reflet de cette bestialité, de par leur tendance à se nourrir du sang de leurs semblables. L'auteur met aussi l'accent sur le fait que ce soit la majorité qui influence les mœurs de la société et la tendance de l'homme au bien ou au mal : le personnage de Robert Neville, confronté à la horde de vampires, est contraint non seulement à la solitude, mais aussi à user lui-même de barbarie, puisqu'il doit pour survivre éliminer un à un les vampires, jusqu'à tuer sa propre femme et sa propre fille.

« J'ai dû lui faire la même chose qu'aux autres. À ma propre femme... » Il déglutit. « Je lui ai planté un pieu dans le cœur, reprit-il d'une voix terrible. Je ne voyais pas d'autre issue. [...] »

On constate ici que Matheson s'inspire du vampire de Bram Stocker (Sa photosensibilité, sa répulsion aux croix et à l'ail, sa vulnérabilité au pieu de bois.) Toutefois, le vampire de Matheson perd de son aspect fantastique, puisque l'auteur apparente sa création aux effets d'un virus, et qu'il expliquera par la science les réactions du vampire à la lumière et à la vue des croix et son attirance pour le sang. C'est entre autres en cela qu'on peut dire qu' « I am legend » est un roman de science-fiction.
Tout au long du récit le personnage est tourmenté par le remord, ce besoin de renouer avec le monde passé et la civilisation qui n'est plus (L'exemple du chien bel et bien vivant qu'il tente de recueillir, chap. 12 à 13) et la nécessité d'oublier ce passé et d'apprendre à vivre avec le monde post-apocalyptique. C'est cet espoir de retrouver un jour un comparse qui le pousse à survivre et qui malgré tout le mène à sa perte, puisque dupé par une semi-vampire, le dernier homme vivant sur Terre est traqué, puis conduit à la mort.
C'est seulement à la dernière page que le titre s'explique de lui-même :

« Robert Neville considéra le nouveau peuple de la Terre. Il savait qu'il n'en faisait pas partie. De même que les vampires, il était pour eux une abomination, un objet de sombre terreur qu'il fallait détruire. Une pensée lui vint alors, et il s'esclaffa malgré sa douleur.
Son rire s'acheva en quinte de toux. Il se retourna et s'appuya au mur pour avaler les pilules. La boucle est bouclée, songea-t-il tandis qu'un engourdissement ultime s'emparait de ses membres. Une nouvelle terreur a émergé de la mort, une nouvelle superstition a conquis la forteresse inexpugnable de l'éternité.
Je suis une légende. »


Robert Neville n'a pas été tué. Il s'est donné la mort, après avoir réalisé que le monde ne lui appartenait plus.

Pour clôturer cette analyse, je vous invite à vous procurer le livre ou venir me faire part de vos interprétations. De même, on ne peut lire « I am legend » sans être tenté de le comparer à un roman plus récent : « The Road » de Cormac McCarthy, où le thème de l'apocalypse et du cannibalisme y sont aussi abordés.

 

En musique :


Le concerto n°2 de Rachmaninov, cité par Matheson.

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